Ses architectures précaires, souvent érigées en hauteur, parfois sur pilotis, n’ont pas la certitude des fondations modernes. Au contraire, on les sent modestes, comme incertaines au regard d’un avenir fragilisé par les bouleversements. Les refuges que Charlie Jouan creuse dans la pierre nous donnent à voir une ville imaginaire inspirée d’une lecture chère à l’artiste, « Les villes invisibles » d’Italo Calvino. Au centre d’un bassin prend alors place une ville émergente, ensemble aux habitations bancales qui se déploie dans l’espace d’exposition, tourmentée par une pompe à air qui fait raisonner le bruit de l’eau ; l’univers de Charlie Jouan prend vie. Habitations troglodytes sur pilotis, architectures maladroites et joyeusement décalées, Charlie Jouan a une manière ludique d’aborder les habitations résidentielles utopistes.
Au centre de l’espace domine : La maladresse de la construction d’un îlot paradisiaque sur un terrain vague – La tentative de s’inventer un lieu de vie parmis les débris.
Cette exposition prend la forme d’une poésie du « presque rien », où la pratique devient refuge. A travers un répertoire des vocabulaires de la sculpture – de la statuaire à l’assemblage, de la forme issue de la nature à la construction architecturale, l’artiste compose à partir de choses vues, d’une perception du monde et d’une histoire des formes, avec des émotions et des sensations. Scène de perturbation qui restitue un écho inquiet aux incertitudes du présent et à ses dérèglements, qu’ils soient sociétaux ou climatiques.
« La vie réelle se porte mieux si on lui donne ses justes vacances d’irréalité. »
Gaston Bachelard.
Florence Farrugia, mai 2023